Rendu méfiant par l’échec d’Ivanov, Tchekhov s’abstient pendant sept ans, d’écrire pour le théâtre des œuvres de longue haleine. Il s’en tient aux comédies ou farces en un acte, chefs-d’œuvre d’humour et d’observation. De cette époque datent (1888-1895) L’Ours, La demande en mariage, Tatiana Repina, Tragédien malgré lui, Une noce, Un jubilé et la première version des Méfaits du tabac dont le texte définitif ne sera publié qu’en 1902. Sur la grand-route et Le Chant du cygne appartiennent à une époque antérieure.
« Les pièces doivent être mal écrites, avec insolence », c’est-à-dire sans souci de bien écrire, avec aisance. Et c’est là précisément ce que révèlent les pièces en un acte de Tchekhov. Le théâtre ne se lit pas, il se parle, il se vit. Il n’y a pas de truchement entre le public et le personnage.
La demande en mariage met en scène trois personnages. Venu demander une jeune fille en mariage, le héros s’engage dans une discussion d’affaires si violente que la demoiselle se prend au jeu et lui réplique sur le même ton. Après s’être injuriés de belle manière, ils finissent par s’accorder, tout en restant chacun sur sa position.
Les méfaits du tabac est un monologue qui expose le cas d’un vieux mari terrorisé par son acariâtre épouse. Elle le charge de faire une conférence et il profite de cette liberté relative pour confier sa détresse au public. Des deux versions de cette pièce – la première date de 1886 – seule celle de 1902 a été représentée.
Si le succès de ses neuf pièces en un acte, jouées aujourd’hui dans le monde entier, et si fort appréciées du public de l’époque, a largement contribué à libérer Tchekhov des craintes que l’échec d’Ivanov avait fait naître en lui, il lui a également permis de connaître pendant quelques années la sécurité matérielle dont il avait tant besoin.